- 2025年8月11日
Méthode pour étudier la philosophie à l’usage de ceux qui aiment la rationalisation et l’efficacité
Méthode pour étudier la philosophie à l’usage de ceux qui aiment la rationalisation et l’efficacité
Le cerveau humain est-il fait pour simplifier ?
Homo sapiens a cohabité avec les Néandertaliens, et des métissages ont sans doute eu lieu ; beaucoup portent aujourd’hui un héritage génétique néandertalien. Les Néandertaliens semblent avoir eu un cerveau—et un corps—plus volumineux que Homo sapiens. Le lien entre taille du cerveau et intelligence est contesté, mais certains suggèrent qu’ils furent « plus intelligents » à certains égards.
Pourquoi alors ont-ils disparu ? Nul ne le sait vraiment. Une hypothèse avance qu’être “pas trop intelligent” aurait favorisé la survie : le cerveau consomme énormément d’énergie, et en milieux hostiles l’économie d’énergie peut l’emporter—comme l’attrait actuel pour les voitures compactes à faible consommation.
Quelle qu’ait été leur langue ou leur degré d’assimilation, les Néandertaliens ont peut-être possédé une vie intérieure plus riche et plus complexe. Mais une telle complexité peut être inefficiente pour survivre, les plaçant en désavantage face à Homo sapiens. Notre espèce aurait, au contraire, eu tendance à simplifier.
Même si un Néandertalien surpassait un Homo sapiens isolé physiquement, notre espèce a sans doute excellé en travail d’équipe et en coordination—décisifs pour la survie des groupes.
On a rapporté que les personnes du spectre autistique ont, en moyenne, un cerveau plus volumineux que les neurotypiques. Le spectre peut compliquer la vie quotidienne et sociale, mais certains manifestent des talents exceptionnels et spécifiques—les « compétences de savant ». La première « phase d’opposition » de l’enfance est présentée négativement aujourd’hui, mais dans des sociétés plus lentes elle n’était peut-être pas négative.
D’aucuns avancent que l’autisme est devenu « handicap » surtout dans des économies modernes de services ; autrefois, une forte focalisation et une sociabilité faible pouvaient être vivables—voire appréciées.
Le cerveau des humains actuels simplifie par habitude
Ainsi se dessine l’idée suivante : notre cerveau tend à simplifier. Autrement dit, l’humain veut conclure. Nous évitons d’accepter la complexité comme telle. En statistique, l’analyse en grappes incite à réifier n’importe quel « amas de points ».
Dès lors, l’histoire de la philosophie se divise en deux grands âges—deux projets.
- De l’Antiquité à l’époque moderne, la philosophie a visé la simplification, que les phénomènes soient simples ou complexes.
- Du structuralisme au post-structuralisme, la philosophie contemporaine s’efforce, lorsque les choses sont complexes, de les laisser complexes, refusant la réduction hâtive.
Si un phénomène est simple, la pensée contemporaine l’accepte comme tel—ou en explore les complexités cachées. La différence clef est là : l’ancienne philosophie simplifiait même le complexe ; la contemporaine s’abstient de simplifier quand c’est complexe.
La simplification est souvent efficace : elle réduit la charge cognitive et permet de raisonner parcimonieusement. Refuser de simplifier coûte de l’énergie—et complique la transmission. Mais c’est aussi une probité intellectuelle.
Beaucoup trouvent les livres savants ou les explications de chercheurs « difficiles ». À l’inverse, l’hyper-clarté demande prudence aujourd’hui : propagande, populisme, rhétorique contre logique, sophistique contre sincérité, marketing contre compréhension. Dans les médias, plus on vise le « facile à saisir », plus l’imprécision et la mauvaise foi s’invitent. L’exactitude est difficile à transmettre—et plus on est honnête, plus on admet l’incertitude. Pire, certains trompent sciemment par intérêt ; une telle malveillance fait d’eux, au fond, des adversaires.
Mettre en mots ou en théorie, c’est numériser—donc simplifier
Le monde est analogique—ou du moins nous le traitons ainsi. Nommer, décrire, théoriser sont des simplifications. Le langage est symbolique ; la symbolisation relève d’une numérisation, même non binaire. Les théories modernes s’axiomatisent et se formalisent ; la logique manipule des symboles.
Des querelles comme celle des universaux peuvent se lire comme des débats sur la direction de la simplification : postuler des essences et des substances, ou tenir les noms pour de simples étiquettes—deux simplifications.
La philosophie moderne et le modernisme simplifient eux aussi. « Je pense, donc je suis » est une simplification ; réduire le soi à un « je » en est une autre. À strict parler, l’inférence de « je pense » à « je suis » n’est pas purement logique sans prémisses tacites ; Descartes finit par invoquer l’intuition et, au terme de sa chaîne, la véracité de Dieu.
Descartes, grand mathématicien, est surtout célébré comme philosophe ; Leibniz, génie universel, brille durablement comme mathématicien—au-delà de la priorité du calcul, son rêve d’un calcul symbolique universel préfigure l’informatique.
Quoi qu’il en soit, forger des termes, ériger des théories, baptiser des concepts—tout cela peut être une simplification inconsciente, réflexe du cerveau. Le structuralisme et le post-structuralisme en offrent une critique. En Orient, le bouddhisme a anticipé et théorisé bien des points ; le Japon, plus que d’autres, en aurait programmé l’implémentation sociétale.
L’ambiguïté peut être humilité ; l’assertion péremptoire, arrogance
Au cœur du post-structuralisme : métacognition et capacité à rester indépendant de toute doctrine donnée. Le bouddhisme parle de voie du Milieu (Madhyamaka). “Toute doctrine” inclut religions, théories, éthiques, points de vue, idéologies.
Cela exige d’apprendre de nombreux cadres, de ne pas imposer l’un aux autres, de cultiver l’humilité, d’avouer l’ignorance, d’abandonner la vanité et de tenir un scepticisme sain. Parfois, on répondra de façon ambiguë, on se taira, ou l’on dira : « Je ne sais pas. » On pratique le non-recours aux mots et aux lettres (furyū monji), sans imposer ni exclure.
Cette posture critique—even rebelle—vise nos penchants cognitifs peut-être innés, et réfléchit l’arrogance d’idéologies passées envers autrui.
Croire que tout peut se dire simplement est une hybris
La parabole bouddhique des aveugles et de l’éléphant met en garde contre la saisie prématurée de « l’essence ». L’un touche la trompe—« un tube », l’autre la défense—« un os », l’oreille—« un éventail », la jambe—« un tronc ». Un voyant dira : « Ils n’ont pas l’essence. » Mais la vraie question est : même avec vue et toucher, sait-on l’éléphant ? Et sa voix, son odeur, son goût ? Un spécialiste sourira : ne prenez pas la surface pour le savoir.
Quiconque a vraiment étudié sait que le réel se complexifie à mesure qu’on avance. Le structuralisme dissèque structures internes et externes ; le post-structuralisme multiplie les angles—systèmes, réseaux, discours. Le bouddhisme parle de coproduction conditionnée (pratītya-samutpāda), une vue en réseau. Et, surtout, la pensée contemporaine admet qu’aucun forage ne touche le « chose en soi » ultime. Chez Foucault et Barthes, la recherche est chemin sans fin, non raccourci rassurant.
« Qu’est-ce que l’homme ? » La médecine répond par des lents multiples : physiologie, anatomie, biochimie, pathologie, hygiène, santé publique. On alterne et combine ces vues pour réussir études et concours. Au-delà, les sciences humaines et sociales, comme les sciences naturelles, ajoutent leurs perspectives. Hors de l’école, la vie quotidienne, les loisirs, les réseaux sociaux nourrissent encore ce savoir. Aucune perspective n’est seule « vraie ». Les tenir ensemble sous la métacognition dissout l’essentialisme naïf. Sartre affirmait que l’existence précède l’essence ; même l’existence, ici, se déconstruit.
Mettre en œuvre une pensée : l’exemple du Japon
Claude Lévi-Strauss, chef de file du structuralisme, devint sceptique envers la modernité occidentale : persécution nazie, exil, observation de villages amazoniens happés par l’expansion l’y conduisirent. Il voyait nazisme et modernité comme issus d’une même racine, et le XXᵉ siècle rendit nombre d’intellectuels pessimistes.
Tardivement, il découvre le Japon et s’étonne de la coexistence d’antiques mentalités avec la modernité. Il aurait senti son analyse inachevée—laissant cette formule piquante : « À mon regret, le Japon est sans pareil. » Sans langue japonaise, sans certains contextes, et sans histoire du Mahāyāna, son modèle butait peut-être. S’il avait rapproché Madhyamaka et post-structuralisme, il aurait pu percer le code : sous la voie du Milieu, l’accueil des idées, techniques et arts prend naturellement une forme « à la japonaise ».
Il est des exceptions : les prosélytismes exclusifs—certains courants missionnaires, ou des formes plus insistantes du bouddhisme de Kamakura—s’acoquinent mal avec cette pluralité métacognitive. Les doctrines à clauses d’exclusion (« Tu n’auras pas d’autres dieux… ») heurtent également cette posture—d’où, peut-être, l’étiquetage hâtif du Japon comme « irréligieux ».
Parmi les pays continentaux, les cycles historiques furent rudes ; du Mahāyāna du Nord, le Japon a sans doute laissé l’empreinte la plus continue—pendant que le Theravāda a conservé d’immenses archives au Sri Lanka.
Conclusion
L’humain tend à simplifier. La pensée contemporaine—du structuralisme au post-structuralisme—l’a vu et a tenté d’y résister. Les philosophies antérieures, au contraire, cherchaient souvent la nouvelle idée par laquelle re-simplifier. Elles n’adoptaient pas simultanément des vues multiples ; elles excluaient même l’attitude « laisser être », accueillir la complexité.
De ce point de vue, les anciens systèmes paraissent étranges ou contradictoires, mais ils sont ordonnés—et donc plus faciles à apprendre. Pour l’avenir de l’humanité et de la planète, les attitudes les plus nécessaires pourraient être celles de la pensée contemporaine et du Madhyamaka bouddhique—structure, déconstruction, interdépendance—non seulement au lycée (comme dans le baccalauréat en France), mais plus largement dans l’enseignement supérieur en philosophie et en éthique。